Royaume-Uni - L'orphelinat de l'horreur

La découverte d'un crâne d'enfant et d'une cave murée dans un ancien orphelinat de l'île de Jersey ont déclenché de vastes fouilles... et un afflux de témoignages.
Les policiers craignent de trouver d'autres restes humains. D'anciens pensionnaires dénoncent des sévices - récits qui restent invérifiables.

Le bâtiment, situé sur l'île de Jersey, a servi d'orphelinat, puis de foyer pour enfants en difficulté jusqu'en 1986, avant d'être reconverti en auberge de jeunesse en 2004. Depuis novembre, il est au centre d'une enquête lancée après des allégations de maltraitances et de violences sexuelles entre les années 1960 et le début des années 2000. Mais l'enquête s'est brutalement accélérée après la découverte, samedi, d'un crâne d'enfant. La police de l'île de Jersey a entrepris des fouilles systématiques et laisse désormais entendre que d'autres ossements pourraient se trouver dans une cave murée, qui a été percée mercredi en début d'après-midi.

En pénétrant dans cette pièce d'environ 4 mètres sur 4, un chien "renifleur" a eu une "réaction extrêmement forte", a expliqué le chef adjoint de la police lors d'une conférence de presse. "La réaction immédiate du chien était similaire à celle qu'il a eue lorsqu'on a retrouvé des restes humains" samedi dernier dans le bâtiment, a-t-il expliqué. La pièce était encombrée de gravats qui devaient être déblayés dans le courant de l'après-midi. Les experts estiment qu'une autre pièce de même taille, elle aussi murée, se trouve sans doute sous l'ancien orphelinat.

Actuellement, les recherches se concentrent sur sept points du bâtiment, construit sur le site du Haut de la Garenne à St-Martin. Et les témoignages susceptibles de les guider se multiplient. La police de l'île a indiqué avoir reçu depuis samedi quelque 70 appels de victimes présumées de violences, notamment sexuelles, lors de leur passage dans cet établissement. Depuis le début de l'enquête, environ 200 personnes au total se sont manifestées auprès de la police. "Nous avons des précisions sur certains enfants qui ont été portés disparus ou en fuite et dont on pensait qu'ils avaient quitté l'île", a indiqué le chef adjoint de la police de l'île.

La presse britannique, pour sa part, donne la parole à plusieurs témoins. "Ce qui s'est passé là-bas est indescriptible, les actes les plus cruels et sadiques auxquels on peut penser", affirme une femme présentée comme Pamela, dans les colonnes du Daily Telegraph. Elle dit avoir été droguée avec des calmants et agressée sexuellement à de nombreuses reprises. Pamela, qui a été placée au foyer du Haut de la Garenne à l'âge de 13 ans en raison d'une mère violente, s'est souvenue de travaux fréquents dans la cave où se concentrent les fouilles.

Un autre témoin, Robert Boutillier, qui a participé à la rénovation du bâtiment il y a quatre ans, a assuré que les ouvriers avaient découvert une trappe menant dans une pièce sans fenêtre avec une simple chaise et des menottes. "Nous avons retrouvé des choses qui faisaient froid dans le dos", a-t-il raconté au Daily Telegraph. "Il y avait de lourdes menottes reliées à un bloc de bois, c'était horrible". Le porte-parole de la police a indiqué qu'une enquête serait menée pour vérifier ces allégations.

Des os découverts mais le mystère reste entier

La police de l'île de Jersey tentait vendredi de déterminer si des os retrouvés lors de fouilles d'un ancien orphelinat étaient humains ou d'animaux, une semaine après la découverte d'un crâne d'enfant dans le cadre d'une vaste enquête sur de présumés sévices.

Le chef adjoint de la police locale, Lenny Harper, a annoncé que de nouveaux ossements avaient été retrouvés mais qu'il "pourrait bien s'agir d'os d'animaux". "L'examen des ossements se poursuit", a-t-il déclaré lors de sa conférence de presse quotidienne.

M. Harper avait mentionné jeudi la découverte de plusieurs objets "importants" dans une cave murée, mais sans en préciser la nature.

Le crâne d'un enfant avait été retrouvé samedi 23 février au Haut de la Garenne, un ancien orphelinat objet d'une enquête sur des maltraitances et abus sexuels dont auraient été victimes de jeunes pensionnaires entre les années 1950 et la fin des années 1980.

Le responsable de la police a précisé que douze enquêteurs, spécialistes des fouilles, devaient arriver sur l'île samedi, afin de faciliter les travaux d'excavation rendus difficiles par la présence de nombreux gravats dans la cave murée.

"Nous déblayons le sol très lentement", et les fouilles se poursuivront samedi "avec plus d'intensité, ainsi que dans les prochains jours", a-t-il expliqué.

Une "trappe", mise au jour dans la zone fouillée, "corrobore" les témoignages de victimes présumées qui ont été nombreuses à évoquer des sévices systématiques pendant des décennies dans l'ancien orphelinat reconverti en foyer pour enfants en difficulté jusqu'en 1986, puis en auberge de jeunesse depuis 2004.

Les fouilles, menées depuis une semaine, avaient permis mercredi de découvrir une cave murée remplie de pierres, d'argile et de gravats. En pénétrant dans cette pièce d'environ 4 mètres sur 4, un chien renifleur a eu une "réaction extrêmement forte", selon la police. Les enquêteurs s'intéressent par ailleurs à deux autres caves également secrètes et murées.

Deux personnes ont expliqué, sous le couvert de l'anonymat, comment elles avaient été placées au moment du divorce de leurs parents "pour leur sécurité" au Haut de la Garenne, dans les années 1970.

"C'était comme une prison", se remémore l'une d'elles, décrivant les tentatives d'évasion, inlassablement sanctionnées. Les punis étaient placés seuls dans une cellule "avec un banc et un pot" sans pouvoir parler à personne pendant plusieurs jours et étaient nourris "des rebuts" des repas des autres.

De là, "on pouvait entendre les cris des enfants victimes d'abus". Une autre punition consistait à être enfermé seul dans une cave "dans le noir" pendant plusieurs heures, selon ces témoins.

Mais d'autres anciens pensionnaires démentent ces excès. "Le seul mauvais traitement dont je me rappelle, c'est de n'avoir pu bénéficier de l'affection de mon père et de ma mère", a déclaré Duncan Crocker, 61 ans, au Jersey Evening Post, seul quotidien de l'île anglo-normande.

Orphelin, il avait été placé à six ans dans le pensionnat. "Beaucoup de ces accusations de mauvais traitements ont été exagérées et j'ai pensé qu'il fallait le dire", a-t-il ajouté.

Un couple, Tony et Morag Jordan, de Kirremiur en Ecosse, employé à l'orphelinat de 1971 à 1984, a aussi contesté les accusations, se disant prêt à coopérer avec la police.

"M. et Mme Jordan n'ont rien noté de fâcheux à l'encontre des enfants dont ils avaient la charge", ont-ils fait savoir dans un communiqué transmis par leurs avocats.

Les enquêteurs estiment avoir déjà recensé quelque 160 victimes présumées depuis le début de leurs recherches en novembre dernier.